546               MEMOIRES DE PIERRE DE L'ESTOILE.
et aiant dit tout haut que Meaux estoit miaulé, un des Seize nommé Gaillardet, Coustelier, l'aiant entendu et l'apellant meschant et politique, tira sa dague, et lui en donna un grand coup sur la teste. Et voiant que le peuple s'esmouvoit et commençoit à «crier aprés lui, il s'escoula, et en se sauvant dit tout haut : «Je veux bien a qu'on sache que je suis bien advoué non seulement « de battre et bien frotter tous ces coquins de poli­ce tiques et fauteurs de Bearnois ; mais aussi de les tuer, « et mettre à mort le premier qui parlera tant soit peu «'en sa faveur.»
Le lendemain, Guarinus et Gommolet prescherent qu'il n'avoit failli qu'en ce qu'il n'avoit tué le savetier; et qu'il Ie devoit faire. Et de fait le pauvre savetier en eust si peu de justice, qu'aiant fait demander à Gail­lardet > pour toute raison, qu'il eust seulement à payer le barbier, attendu qu'il n'avoit nul moyen de lui satis­faire, non seulement s'en moqua, mais encores en regniant Dieu le ménassa, et dit qu'il estoit bien marri qu'il ne l'avoit tué.
Le jour mesmes, et à l'instant de ceste querelle, s'en esmeut une autre à Paris sur le quay des Augustins, entre Larue et Baudouin le musnier, contre un gantier du Palais, des Seize, nommé Godon : lequel les aians advisés ensemble appuyés sur ledit quay, et passant le temps à deviser, auroit dit tout haut, expres pour chercher querelle, que l'eau estoit assez grosse pour noier tous les politiques. Sur quoi les dits Lame et Baudouin, aussi estourdis l'un que l'autre, prirent ledit Godon par les jambes pour le cuider jetter dans riviere > disans qu'il estoit raisonnable que les Seize beussèmt les premiers. Enfin s'estant eschappé et detra-
Digitized by